La Négociation Annuelle Obligatoire (NAO) : le dialogue social au cœur des entreprises

Le terme de négociation annuelle obligatoire (NAO) est souvent associé à celle portant sur l’augmentation des salaires annuels, car elle est indéniablement la plus connue (et la plus attendue par les salariés). Cependant, il ne s’agit pas d’une unique négociation, mais bien d’un ensemble de discussions imposées par la loi, aux entreprises d'au moins 50 salariés où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives. 

Cette obligation de négocier vise à renforcer le dialogue social en favorisant une concertation constructive entre employeurs et représentants des salariés sur des thèmes essentiels tels que la rémunération, les conditions de travail et l'égalité professionnelle.

Quels sont les thèmes de négociation obligatoires ? Comment se déroulent-elles concrètement ? Et est-il impératif d’aboutir à un accord ? Dans cet article, nous vous expliquons tout ce qu’il faut savoir sur ces négociations obligatoires, essentielles pour encourager un dialogue social constructif dans les entreprises.

Quels sont les thèmes clés de la Négociation Annuelle Obligatoire ?

Si la NAO est souvent associée à la négociation salariale, elle recouvre en réalité un champ plus large de sujets. 

Les 3 thématiques légales des NAO

Le Code du travail (articles L. 2242-1 et L. 2242-2) définit trois domaines clés devant obligatoirement faire l'objet de négociations annuelles :

  • La rémunération 

Ce thème central englobe les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Les discussions portent notamment sur la revalorisation des salaires, les augmentations individuelles, les primes, les avantages en nature, les classifications professionnelles, etc. 

Face à l'inflation et aux exigences croissantes en matière de pouvoir d'achat, la NAO sur la rémunération permet de garantir l'équité et le maintien du pouvoir d'achat des salariés.

  • L'égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) 

Ce domaine regroupe l'égalité entre les femmes et les hommes, les conditions de travail et la santé mentale des collaborateurs. 

Les négociations portent sur des sujets tels que les indicateurs d'égalité professionnelle, les mesures de rattrapage salarial, la lutte contre les discriminations, la conciliation vie professionnelle / vie privée, la prévention des risques psychosociaux, le bien-être au travail, etc.

  • La gestion des emplois et des parcours professionnels  

Ce thème concerne la gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des parcours professionnels, les dispositifs d'accompagnement des transitions professionnelles (formation, mobilité, etc.), les mesures en faveur de l'emploi des seniors, etc. Cette négociation est obligatoire pour les entreprises d'au moins 300 salariés.

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En 2025 : quels sont les sujets forts autour de la table des négociations

La NAO s'affirme comme un outil stratégique pour concilier les attentes des salariés, les enjeux économiques et la performance globale de l'entreprise.

Le pouvoir d’achat reste la préoccupation principale des salariés et la NAO sur les salaires est très attendue en 2025. Alors qu’en 2023 et 2024, les augmentations de salaire avaient suivi le taux d’inflation, les entreprises prévoient des augmentations salariales en moyenne de 3% en 2025 (contre une moyenne de 4% en 2024).

La NAO permet de négocier des mesures pour préserver le pouvoir d'achat des salariés, en combinant revalorisation générale des salaires et augmentation individuelle. Avec des budgets « prudents » face aux incertitudes économiques et politiques, les marges de négociation risquent d’être faibles. Les entreprises peuvent explorer d’autres éléments de rémunération ou des avantages non monétaires (épargne salariale, tickets restaurant, etc.).

L’un des sujets d’actualité est sans aucun doute le télétravail, avec notamment les annonces d’entreprises sur un retour au présentiel. Face aux attentes des salariés sur ce mode d’organisation du travail, les négociations sont l’opportunité de définir les modalités du télétravail, en tenant compte des besoins des salariés et des impératifs de l'entreprise, dans le cadre des discussions sur la thématique de QVCT (Qualité de Vie et Conditions de Travail).

Enfin, les chiffres récents sur la santé mentale des salariés français révèlent une situation préoccupante malgré une légère stabilisation en 2025. 25% des salariés déclarent une santé mentale "mauvaise à très mauvaise" (niveau stable depuis 2024), selon l'étude de l'institut Ipsos et du cabinet spécialisé Qualisocial, réalisée en décembre 2024.  

La prévention des risques psychosociaux et la promotion du bien-être au travail sont des enjeux importants qui peuvent être abordés dans le cadre de la NAO sur la QVCT.

Cadre légal et modalités pratiques

Un accord sur le dialogue social pour déterminer le cadre des NAO

Un accord entre partenaires sociaux peut définir le cadre des négociations (article L. 2242-10 du Code du travail). Cet accord, fruit de la négociation collective, offre une flexibilité et une adaptation aux spécificités de l'entreprise. 

Il permet de déterminer avec précision les thèmes des négociations obligatoires et de structurer le contenu des thèmes abordés en définissant les points précis à aborder.

L’accord peut également poser le cadre matériel des NAO en fixant la périodicité de chaque négociation, avec une obligation de négocier au moins tous les quatre ans. Il peut également planifier le calendrier des négociations en fixant le nombre, la fréquence et les dates des réunions ainsi que les lieux de réunion.

Les partenaires sociaux peuvent également définir la liste des informations que l'employeur doit fournir, ainsi que la date de leur transmission.

En pratique, ces accords incluent souvent une négociation annuelle sur les rémunérations et une périodicité plus longue (3 à 4 ans) pour la négociation sur l’égalité professionnelle et la QVT, permettant ainsi la mise en place de plans d’actions RH sur du court et moyen terme.

Périodicité des NAO en l’absence d’accord sur le dialogue social
En l'absence d'un accord d'entreprise définissant les modalités des négociations, l'employeur est tenu de respecter les obligations suivantes :
Chaque année, l’entreprise doit tenir :

  • Une négociation sur la rémunération.
  • Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que sur la qualité de vie et des conditions de travail.

La négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (applicable aux entreprises de plus de 300 salariés) intervient tous les 3 ans.

Initiative et convocation des participants aux NAO

L'initiative des négociations collectives obligatoires revient à l'employeur. Si l'employeur n'engage pas les négociations, une organisation syndicale représentative peut en faire la demande. Dans ce cas, l'employeur doit transmettre cette demande à toutes les autres organisations représentatives sous 8 jours et convoquer les parties à la négociation dans un délai de 15 jours.

Le non-respect de ces obligations constitue un délit d'entrave, passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 €, sans compter les pénalités financières prévues aux articles L. 2242-7 et L. 2242-8 du Code du travail.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, les négociations doivent inclure le ou les délégués syndicaux présents dans l'entreprise. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, elles peuvent se tenir avec un membre du Comité Social et Économique (CSE) désigné en qualité de délégué syndical.

Il est important de souligner que seuls les délégués syndicaux sont habilités à négocier et conclure les accords collectifs. Les membres du CSE, sauf s'ils sont désignés délégués syndicaux, ne participent pas à la négociation.

Toutes les organisations syndicales représentatives doivent être convoquées aux négociations, même celles susceptibles de refuser de participer. Omettre une convocation constitue un délit d'entrave et rend nul tout accord signé dans ces conditions.

Le Code du travail ne précise pas les modalités de convocation, mais il est recommandé d'utiliser un courrier remis en main propre avec accusé de réception, un courrier recommandé ou une messagerie électronique avec confirmation de réception.

 

Illustration d'une réunion de négociation annuelle obligatoire

 

Calendrier des négociations

En présence d'un accord collectif sur la négociation obligatoire, le calendrier et les modalités des réunions sont déjà fixés, notamment le nombre de réunions, leur périodicité et le lieu où elles se tiendront.

À défaut d'accord, au moins deux réunions doivent se tenir :

  • Une première réunion préparatoire pour définir le lieu et le calendrier des réunions de négociation, ainsi que les informations qui seront remises par l'employeur aux délégués syndicaux.
  • Les réunions de négociation proprement dites. Il n'y a pas de nombre maximal de réunions. Les négociations s'achèvent lorsque les parties ont trouvé un accord ou constaté l'échec des négociations.

Informations à transmettre

En cas d'accord sur la négociation obligatoire, il convient de se référer à la liste des documents que l'employeur doit fournir aux partenaires sociaux et au calendrier de remise de ceux-ci.

En l'absence d'accord, aucune liste exhaustive n'est prévue par la loi. 

Cependant, de nombreuses informations nécessaires aux négociations sont accessibles via la Base de Données Économiques, Sociales et Environnementales (BDESE). Elle centralise les informations économiques, sociales et environnementales de l'entreprise. 

La BDESE est un outil essentiel pour les NAO, car elle permet aux partenaires sociaux d'accéder à une information complète et fiable sur la situation de l'entreprise.

Obligation de négocier de bonne foi

L'employeur a l'obligation de négocier avec loyauté et de fournir toutes les informations utiles pour permettre aux partenaires sociaux de prendre des décisions éclairées. L'article L. 2242-4 du Code du travail, sur ce principe de loyauté, interdit à l'employeur de prendre des décisions unilatérales concernant les sujets en cours de négociation, sauf en cas de situation d'urgence.

L'employeur conserve toutefois la possibilité de prendre des décisions individuelles pendant les négociations, car la vie de l'entreprise continue malgré les discussions collectives.

Issue des négociations : Obligation de négocier, liberté de conclure

Le législateur oblige l'employeur à engager des négociations avec les partenaires sociaux sur les thèmes obligatoires de la NAO, mais il n'impose pas l'obligation de parvenir à un accord.

Les négociations peuvent donc aboutir à deux issues :

  • Un accord collectif : Si un accord est trouvé, il doit être rédigé et signé par l'employeur et les organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Si ce seuil n'est pas atteint, une consultation des salariés est nécessaire pour valider l'accord.
  • Un procès-verbal de désaccord : Si les négociations n'aboutissent pas à un consensus, un procès-verbal de désaccord doit être rédigé. Ce procès-verbal doit mentionner le déroulement des négociations, les propositions des parties et les points de désaccord.

Formalités en cas d'accord

En cas de conclusion d'un accord, l'employeur et les organisations syndicales signataires doivent accomplir un certain nombre de formalités pour que l'accord soit applicable :

  • Notification de l'accord à l'ensemble des organisations syndicales représentatives.
  • Dépôt de l'accord auprès de la DREETS (Direction Régionale de l'Économie, de l'Emploi, du Travail et des Solidarités).
  • Publication de l'accord sur le site internet www.legifrance.gouv.fr.
  • Dépôt de l'accord au greffe du Conseil de Prud'hommes.

L'employeur doit également informer les salariés de la signature de l'accord par voie d'affichage ou par tout autre moyen permettant d'assurer la diffusion de l'information.

Décisions unilatérales en cas de désaccord

Un procès-verbal de désaccord devra être rédigé et fera l’objet également de publicité.

En cas de désaccord, l'employeur peut prendre des décisions unilatérales sur les sujets qui ont fait l'objet des négociations, dans la limite du respect des dispositions légales et conventionnelles. Il peut également proposer de reprendre les discussions ultérieurement.

La NAO est un moment privilégié de dialogue social au sein de l'entreprise. Elle permet aux employeurs et aux représentants des salariés de négocier sur des sujets essentiels pour le bon fonctionnement et la performance de l'entreprise. 

En 2025, la NAO s'adapte aux nouveaux enjeux économiques et sociétaux et s'affirme comme un outil stratégique pour concilier les intérêts des différentes parties prenantes dans l’entreprise. 

Les NAO sont également un temps fort pour les services RH qui ont la charge de transmettre les informations permettant aux directions et partenaires sociaux de mener leurs discussions : effectif, rémunération, répartition entre les hommes et les femmes, etc.
 

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